La plaine de Bouvines-Cysoing

Historiens, géologues et géomorphologues persistent à penser aujourd’hui que le site même fut une des raisons essentielles de l’éclatement à Bouvines de la fameuse bataille, ce qui est « caractéristique des voies de communication dans la région du Nord »(Pierre LEMAN).

De nos jours encore, toute les infrastructures lourdes, comme l’aéroport, Villeneuve d’Ascq, la ville nouvelle, l’université ou demain le TGV Lille-Bruxelles-Bonn, s’installent de préférence sur cette « chaussée naturelle qui s’élève parmi des marécages et des terrains humides, large jusqu’à 6 kms. C’est une voie d’invasion donnée par la nature aux hommes des temps les plus anciens aux événements de 1940 » (Pierre LEMAN). Souvenons-nous des tirailleurs étrangers défilant à Bouvines et venus construire les blockhaus isolés et très visibles le long de la frontière, jalons nordistes de la ligne Maginot, mais jamais armés !

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Une fois de plus à Bouvines, le milieu naturel a guidé l’histoire, comme il marque souvent les hommes. La carte d’État-major, extraite de « Bouvines « , édition parue en 1914 chez CASTERMANN à Tournai, montre bien cette zone légèrement surélevée (50 ms) coincée entre les vastes marais de la Marque à l’Escaut au Nord, et la fameuse forêt charbonnière de Pévèle au Sud, limitée elle aussi à l’Est et à l’Ouest par des marécages.

M. LEBON dans son mémoire sur la Bataille de Bouvines paru en 1835 évoque cette rivière de la Marque, « redressée en certains endroits et recreusée il y 50 ans sur toute l’étendue qui borde cette plaine du Sud-Ouest au Nord-Ouest ; elle coule dans la même vallée et pour ainsi dire partout sur son vieux lit ; les marécages desséchés part l’encaissement donné à la rivière, bien que changés en prairies et en terres labourables, ont conservé assez de traces de ce qu’ils étaient autrefois, pour que l’on puisse déterminer à la première vue les limites des anciennes alluvions. Les villages qui existaient alors portent les mêmes noms et sont encore situés aujourd’hui sur les mêmes emplacements ; les deux ruisseaux, dont l’un prend sa source dans les fossés du vieux château de la Louverie, près de Rumes, et qui débouche dans l’Escaut un peu en deçà de Tournai ; l’autre qui tire son origine d’une fontaine entre Rescouël et Wannehain et qui va se jeter dans la Marque à l’Est du Clos de l’Abbaye de Cysoing , après avoir traversé les prairies au bas de Bourghelles, n’ont éprouvé, ni accroissement ni diminution, ni déviation ; la route de Mortagne à Tournai sur la rive gauche de l’Escaut, celle de Tournai à Douai, l’antique voie romaine de Tournai à Estaires par Seclin, l’ancienne route de Tournai à Lille par Camphin, Bouvines, Sainghin et Lezennes, tous ces chemins, quoique rétrécis et échancrés presque partout, subsistent toujours sur les tracés du 13ème siècle ; l’espace compris entre le village de Camphin et Bouvines, celui entre Anstaing et Wannehain présentent comme alors, une plaine fertile et cultivée avec soin, GRATAQUE PLANITIES CEREALI GRAMINE VERNANS.

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Ainsi à l’exception des plantations dont les changements ont fait varier l’aspect du site dans le voisinage des habitations, nous le répétons, la plaine de Cysoing et ses aboutissants n’ont subi aucune altération sensible, et la carte moderne signale l’état des lieux, à peu de chose près, tels qu’ils étaient au moment de la bataille … le barrage qui retenait les eaux au moulin de Tressin leur donnait en amont un niveau plus haut qu’il ne l’eût été sans cet obstacle et rendait par conséquent plus marécageuse la partie qui borde le plateau de Cysoing. Les États de la Flandre Walonne voulant dessécher une partie des marécages firent détruire le moulin de Tressin, redresser et recreuser la rivière ; on voit encore le vieux lit entre Bouvines et Gruson, il n’est éloigné du nouveau que de 4 ou 5 toises dans sa plus grande distance. Quant au pont de Bouvines, à l’époque de la bataille, il était un peu plus haut que ne l’est celui qui existe actuellement, placé 200 pas du côté de Louvil ».

C’est cet espace de champs ouverts défrichés probablement au début de notre ère car il s’agit de sols excellents, bruns forestiers, développés sur des loess épais à cet endroit de 1,5 m à 2 ms par dessus la craie et les marnes secondaires, qui constituent le Mélantois.

Ainsi lieu de passage obligé, voie d’invasion, socle calcaire solide du Sénonien et Turonien, même si de nos jours plus qu’un anticlinal classique secondaire on a tendance à l’assimiler à un dôme très fortement fracturé dont les failles (ici marquées par des talus topographiques) rejoueraient très largement, contribuant à le relever en permanence (Jean SOMME), le Mélantois était évidemment plus disposé à devenir le site de la bataille que la cuvette géologique pévèloise de sables et argiles landéniens en périphérie du « dôme ».

Et si l’intérêt des sols bruns forestiers de Pévèle au Sud, développés sur limons quaternaires moins épais qu’en Mélantois, ce qui a dû nécessiter de gros efforts de défrichement, n’est plus à démontrer, ces sols, après avoir supporté la belle forêt charbonnière (tourbe, etc…) offrent maintenant à force de travail et de drainage de belles et parfois grandes parcelles de cultures à haut rendement.

Cela expliquerait la difficulté actuelle de différencier à l’oeil nu l’openfield du Mélantois, qui signifie pays entre deux rivières Deûle et Marque, de Pagus medenantensis, et semi-bocage pévèlois, qui signifie pays des pâtures, de Pagus pabulensis, deux terrains juxtaposés à dimension européenne et qui savent le prix de la guerre, des invasions, de l’occupation, en un mot des ambitions impérialistes de tout type.

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