1er Thème : La Bataille du dimanche 27 juillet 1214
- A-t-on, oui ou non, exagéré l’importance historique de cette bataille ?
Non, cette bataille, – même si elle n’a pas provoqué de pertes énormes ni de dévastations irréparables comme celles de nos époques modernes (quelques centaines de chevaliers et quelques milliers de fantassins étaient opposés), – a pourtant eu des conséquences immenses. La victoire assez inattendue du roi de France Philippe Auguste contre une puissante coalition européenne a influé sur le destin de l’Allemagne : le vaincu, l’empereur Othon IV de Brunswick a été évincé par son rival Frédéric II de Hohenstauffen. De plus, elle a mis fin à ce qu’on a appelé la « Première Guerre de Cent Ans » entre les Anglais (les Plantagenêts, ici le roi John Lackland, c’est-à-dire « Sans Terre ») et les Français (les derniers Capétiens ). Enfin, elle a permis d’asseoir pour six siècles (en comptant la Restauration) l’autorité centralisatrice du roi de France sur ses vassaux et de créer un début d’unité nationale. - Où se trouve exactement le champ de bataille ?
La bataille s’est déroulée à peu près de part et d’autre d’un axe Nord-Sud / Sud-Ouest, sur un fronts’étendant des abords de la Marque (rivière marécageuse) jusqu’à Camphin-en-Pévèle, le centre étant au lieu-dit « la Chapelle aux arbres », à deux kilomètres du village par le chemin Brunehaut (dit « de Tournai »), au milieu de la plaine (le fameux « couloir des invasions » actuellement parsemé de blockhaus !). Si l’on tourne le dos à Lille, les coalisés étaient devant et sur la gauche, descendant du Nord-Est, les Français remontant du Sud-Ouest, par le Pont-à-Bouvines, ayant brusquement fait volte-face. - Reste-t-il des vestiges ?
Aucun. Les morts sans doute ont été enterrés sur place par les moines de l’abbaye de Cysoing, et non pas au lieu-dit « le Mont des Tombes » à Sainghin en Mélantois. Les armes, les trésors plus ou moins hypothétiques, etc., ont été récupérés le jour même par les vainqueurs, et par les pillards qui rôdaient toujours dans le sillage des troupes… En fait, ce territoire n’a que fort peu de monuments anciens, les vieux châteaux et monastères ayant été détruits soit par la fureur révolutionnaire (pendant la Terreur), soit par les nombreux envahisseurs venant du Nord et de l’Est (invasion des Anglais, Russes, Autrichiens en 1815, après la défaite de Waterloo, invasions allemandes de 1870, de 1914, de 1940). - Cette victoire de la France est-elle une victoire anti-flamande ?
En fait, le comte Ferrand de Flandre, s’il a en effet été vaincu et jeté en prison, n’était pas Flamand, mais Portugais, et les populations qui vivaient aux alentours de Bouvines au XIIIème siècle n’éprouvaient que très vaguement ce qu’on a appelé plus tard un « sentiment patriotique ». Les conflits qui se déroulaient sans cesse dans cette zone convoitée devaient assez peu concerner les paysans, peu nombreux, misérables, rançonnés par les féodaux de toutes origines ! La plupart ne parlaient pas le flamand, les toponymes et les patronymes de l’époque étaient tous de consonance picarde. Enfin le pôle d’attraction de ces villages du Pévèle était sans doute autant Tournai, ville gallo-romaine toute proche, francophone et francophile, siège de l’évêché de cette région, que Lille (celle-ci n’est devenu évêché et ville universitaire qu’au début du XX° siècle.)
2ème thème : Les vitraux de l’église (classés)
- Qu’y-t-il à visiter à Bouvines ?
Essentiellement l’église. Celle-ci n’est pas ancienne, elle date des années 1880, de style néo-gothique, recouverte de parements en pierre de Lezennes, bâtie sous la direction de l’architecte M. Normand. Elle est le fruit de la passion d’un homme pour ce village, Félix Dehau (issu d’une vieille famille flamande de Bergues, maire de Bouvines pendant 62 ans – un record de durée, paraît-il, jamais égalé en France). Elle a été voulue et partiellement financée par lui, avec sa haute flèche visible de très loin, comme un monument commémoratif de la bataille, et comme une sorte d’écrin aux 21 immenses vitraux qui la racontent. - Pourquoi tant de scènes de guerre dans un lieu dédié à la prière et à l’amour du prochain ?
Cela s’explique par le contexte de la fin du XIXème siècle et par la mentalité dominante chez bien des notables ruraux de cette époque-là. La France venait d’être écrasée en 1870 par les Prussiens, envahie, taxée, humiliée, amputée de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine. Un patriotisme militariste assez revanchard s’était développé. Aussitôt l’instauration – de justesse ! – de la République en 1875, des luttes internes très violentes divisaient les Français et se focalisaient sur la question religieuse. Les campagnes, y compris dans le Nord, restaient majoritairement attachées à un catholicisme assez traditionaliste et militant, et à un type de gouvernement plutôt conservateur et nationaliste.
3ème thème : Itinéraires de promenades
- Y a-t-il d’autres centres d’intérêt à Bouvines ?
Ce « village-rue » typiquement nordique recèle des beautés cachées, si l’on prend la peine de délaisser un moment sa voiture. Les randonneurs découvriront des sentiers qui se faufilent derrière les fermes à cour carrée, des chemins bordés de saules têtards, des « carrières » (chemins pavés) filant entres les prés et les emblavures. On peut rêver un moment devant la « fontaine Saint Pierre », but de processions autrefois, encastrée dans le mur d’une propriété privée dite le « Petit Château », qui est un ancien prieuré dépendant de l’abbaye voisine où résida jusqu’à la Révolution le curé desservant ce village. On peut observer d’un œil attentif le paysage façonné par des siècles d’activité agricole, longer la Marque aménagée sur son cours aval, contempler un moment les nombreuses chapelles nichées au coin d’un bois ou sur le flanc d’un carrefour. - Sur le plan de l’architecture et du paysage rural, que peuvent retenir d’autre les visiteurs ?
Certains bâtiments ou corps de ferme sont construits en « rouges barres », c’est-à-dire avec alternance d’une rangée de moellons en pierre blanche et de trois rangées de briques) et datent de la fin du XVIIIème ou du début du XIXème siècle. Les constructions plus anciennes en torchis, pisé, bois, et couvertes de chaume, ont évidemment toutes disparues. Un des plus anciens bâtiments des environs immédiats du village se trouve sans doute dans le bois marécageux du Rommelet (privé), c’est un vieux et discret relais de chasse au bord d’un bief, parmi les joncs et les peupliers.